La tortue fait ses sacoches
La tortue fait ses sacoches
Tout cyclo-campeur sait qu’il devra improviser au cours du voyage. Mais, l’improvisation, croyez-vous que cela s’improvise ?
On essaie de mettre dans les sacoches de quoi «s’en sortir » quoi qu’il arrive : l’indispensable, donc. Question de vocabulaire ! L’indispensable se réduit à peu de choses pour certains, qu’ils s’en remettent pour parer à toute éventualité à la lampe d’Aladin du monde contemporain, je veux dire la carte bancaire, ou qu’ils aient fait une sélection drastique parmi leurs besoins et considéré le « pépin » comme une éventualité statistiquement négligeable. J’ai lu sur un blog : « j’avais emporté 30g de savon mais c’est inutile : on transpire très peu en Islande » ; j’ai entendu : « de la pharmacie, pour quoi faire ? tu as l’intention d’être malade ? »
Pauvre tortue, bien sûr que tu vas transpirer, et que tu vas souffrir – surtout si tu emportes tout ce qui te parait indispensable.
Comme j’envie ceux qui se sentent assez forts pour voyager sans onguent ni comprimé ni piquet de secours ni saucisson ! Andréas, par exemple : il partait en Laponie avec un thermos et un couteau pour toute popote ; sur son vélo, pas d’accessoire « dispensable » tel que garde-boue, éclairage ou porte-bidon. Le matin, il fourrait sa tente humide en vrac dans un grand sac pendant que nous roulions amoureusement la nôtre. Il est vrai qu’il ne refusait pas un peu d’eau chaude pour son café et de confiture pour ses tartines, mais on sentait que c’était une concession, qu’il vivait aussi bien de boulettes indéfinissables consommées froides dans l’emballage ou, si nécessaire, d’escalopes de renne prélevées sur le vif. Avec cet équipement succinct il était allé presque partout en Europe du Nord et de l’Est. Il était jeune et costaud, et son vélo chargé était bien moins lourd que les nôtres.
Allons, tortue, prends de la graine : renonce à t’encombrer de machins inutiles !