Eloge de la tortue

Eloge de la tortue

Elle n’est pas bien belle, la tortue, avec ses pattes fouisseuses et sa lourde carapace. Rien qui évoque la silhouette d’un sportif affûté. Elle pourrait pourtant se prétendre le modèle du cyclo-campeur : chargée de son barda, elle va, et il n’est pas facile de l’arrêter. La persévérance est sa vertu première, la frugalité le prix de la liberté.

Comme elle, le cyclo-campeur peut faire figure de rescapé d’un âge où l’huile de genou était le seul carburant. Avancer est sa seule performance, il aime mieux vivre dans l’effort que de s’assoupir dans le confort ; et pourquoi se presser ? Il restera bien une place pour lui au paradis !


J’ai découvert le cyclotourisme sur le tard, dans le club FFCT de Royan. Rapidement, une cyclote qui avait quelques gènes de tortue m’a entrainée dans des balades de plusieurs jours. Stupeur : on peut donc voyager sans moteur ni pétrole ?

2009 : Royan-Venise, premier grand voyage. Nous sommes partis à 6 avec un fourgon que nous conduisions alternativement, pour transporter les sacs, tentes et intendance. Evidence immédiate : le fourgon était de trop.

Quand nous sommes repartis pour un Cordoue-Cordouan, nous étions devenus des cyclo-sacochards ; et la tortue s’est mise à remplir des carnets.


 

Le lièvre et la tortue font du vélo

 

Par une belle journée de printemps,
Le lièvre et la tortue ont chaussé les cale-pieds de bon matin.
Les oreilles au vent,
Sire lièvre envoie gaiment du 52/12 sur son vélo carbone.

Dame tortue
Qui a soigneusement arrimé sa carapace à l’arrière de sa randonneuse acier,
Pédale … de son mieux.

Où en sont-ils, midi venu ?
Lièvre a pris sa douche et regarde les sports à la télé.
Il se prépare moralement à tirer le meilleur profit du repas diététique
Que lui prépare sa compagne.
Car c’est un sportif.

Dame tortue a fouillé dans sa carapace. Elle déploie sa nappe à carreaux
Et y dépose des victuailles riches en graisses et en sucres
(Pas toujours lents).

Que fais-tu donc, Tortue ? Et la douche ? Le repas diététique ?
A quoi bon ? dit-elle, n’ai-je pas la pluie et le pot de rillettes ?
Tu ne rentres donc pas pour déjeuner ?
Ah ! non. Je n’ai pas fait ce chemin pour le défaire. Je continue.
Je vais rejoindre mes copains. Nous allons visiter des pays lointains.

Moralité :
Quand on roule moins vite, on ne va pas forcément moins loin.
La première difficulté, c’est de partir,
Mais la plus grosse, de revenir.