Escale à Ortnevik
Escale à Ortnevik
La liberté d’improviser est l’un des charmes du cyclo-camping : on part avec un objectif, on pédale, on voit venir. Et si l’on se trompe de chemin, l’imprévu peut se révéler une chance. Cela nous est arrivé en Norvège.
La route s’arrêtait à Ortnevik. Ce village est comme une ile, entre la montagne et le fjord. En attendant le prochain bac, dans 36 heures, nous bivouaquerons confortablement dans l’école désaffectée.
Une piste s’élève au-dessus du village. La vue est belle, les talus fleuris. Un jeune chat avec qui je sympathise nous permet de lier conversation avec ses maîtres, un couple d’éleveurs dont la laiterie se trouve au bord du chemin. Jacques (qui a fait carrière dans l’industrie laitière) les questionne sur leur travail. Visite de la laiterie, de l’étable, présentation du système d’ensilage – dont ils sont très fiers. Tout est « au top » de la technologie laitière : Nina et Inge ont une exploitation en pointe, tout-à-fait étonnante à cette latitude.
Les fermiers préparaient la station de traite mobile avant de rejoindre les vaches sur l’estive où elles passent au moins 8 semaines par an. Elles restent donc jusqu’à 10 mois à l’étable ; d’où les dimensions des silos prêts pour les 3 fenaisons des bonnes années. « Et en hiver ? – Nous avons beaucoup de travail avec le bois. Cette vie est dure, mais nous l’aimons. »
A l’heure de la traite, nos amis avaient rejoint leur troupeau dans la montagne. Ils ont 24 vaches dont 18 allaitantes, 3 cabanes de traite dans les estives et changent souvent les bêtes de pâturage. Ils veulent que tout le monde soit heureux chez eux, les bêtes et les gens : On est loin de la Ferme des 1000 Vaches !
Le cyclo est ordinairement prisonnier de la route comme au théâtre le spectateur de son fauteuil. Mais cette nuit-là, en observant le ballet des tracteurs qui rentraient les foins dans l’étonnante clarté nocturne de l’été nordique, je ressentais en moi la vibration de ce pays. Cette émotion n’est-elle pas l’ultime raison de voyager ?