–  Cette année, nous continuerons à tirer nos sacoches sur la route du Nord.

–  Encore la Norvège, tortue ? Que cherches-tu donc si loin de ton habitat naturel ?

–  La première fois, nous partions en direction de l’extrême Nord  de l’Europe : une traversée de l’Europe, en temps libre et en plusieurs voyages, car la route du Nord est bien longue pour de petites pattes de tortue.

Or, dans ces somptueux paysages de fjords, d’eaux vives et de montagnes, qui ne succomberait pas au charme étrange des soirées sans fin et de la clarté nocturne ?

L’année suivante, nous avons franchi le Cercle Polaire et découvert le « vrai » soleil de Minuit. Etrangement troublant ! Le soleil est bien à l’Ouest le soir, à l’Est le matin, mais d’où illumine-t-il les nuits pendant notre sommeil ? S’offre-t-il une escapade vagabonde, au mépris de tous nos repères cardinaux ?

Et plus nous montions vers le Nord, plus sa puissance s’imposait. Par une nuit sans voile, j’ai vu la montagne ruisseler de lumière ; les barques incandescentes dansaient dans leur reflet sur l’eau noire du Mefjorden ; d’heure en heure les sommets se transfiguraient dans le puissant faisceau des rayons de l’astre en folie.

Les Trolls demeuraient cachés mais on devinait leur présence : il est évident que ce pays est ensorcelé. Et maintenant, un enchantement nous oblige à aller jusqu’au bout du voyage. D’ailleurs, nous ne sommes pas les seuls Pèlerins du Nord : cyclos, marcheurs, pagayeurs avancent vers le fameux Cap qu’ils ne verront peut-être pas tant la brume y est le plus souvent compacte : ils avancent pourtant, à la dure, dans la pluie et dans le vent.

En même temps, il faut reconnaître que pour les tortues, en été, c’est presque le paradis : inutile de se presser, on arrivera toujours avant la nuit !